LE BELEM Trois-mâts barque
Nice / Cannes

3 octobre 2005


Pas de photos pour le 2 octobre


2 octobre 2005 Nice


Arrivés dans l'après-midi, nous avons laissé la voiture à la gare de Cannes, puis rejoint Nice par le train. Il était préférable de faire cette opération au départ, plutôt qu'au débarquement, à une heure que l'on ne connaît pas précisément et peut-être fatigués par ces trois jours de mer. Grâce aux précieux renseignements communiqués par Myriam sur le
Forum des stagiaires du Belem, nous n'avons pas galéré pour trouver un hôtel correct pas trop loin du port. Nous entreprenons aussitôt une balade sur les quais pour aller voir de près le fleuron de la marine à voile française sur lequel nous embarquerons demain matin.

Je ne suis pas surpris en voyant près du voilier, assises sur un mât couché au sol, Myriam, Pauline et Véro. Je les ai reconnues grâce aux photos vues sur le site de Myriam il y a quelques jours. Véro est un peu triste car elle ne sera pas avec nous demain sur son Grand-Voilier préféré. Domi et moi dînons dans un petit restaurant du port avant de rejoindre notre hôtel. Il fait encore chaud pour la saison, le temps est même un peu lourd.

J'ai du mal à trouver le sommeil, la tête pleine de visions imaginaires des scènes que nous allons vivre dans les trois jours à venir.




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3 octobre 2005 Nice

Ca y est, nous sommes devant le Belem, ce trois-mâts mythique qu'il y a quelques années à peine je considérais comme totalement inaccessible pour un non initié comme moi. Nous embarquons, accueillis par le commandant Jean-Pierre Boin et son second Jean-Alain Morzadec. Le Belem appareille à 10 heures. Nous déposons nos sacs sur nos bannettes, et là, surprise, ce n'est pas le confort moelleux de La Recouvrance! Les bannettes ne sont pas bien larges (60 cm de mémoire), il faut avoir un brevet d'alpiniste pour grimper dans celle du dessus, et le placard de chaque stagiaire est riquiqui. Juste de quoi y mettre son sac, quand il n'y a pas un tuyau qui passe dedans! Mais bon, on n'est pas venus pour se faire dorloter.

On quitte Nice et sa chaleur étouffante, mais le ciel qui pointe devant nous n'est guère avenant. La masse nuageuse est dense, et quand on connaît un peu les orages du midi, on sait que ça ne va pas être de tout repos. Coïncidence étrange, en début d'après-midi, le cours que donne le commandant est un cours de météo. Fort intéressant d'ailleurs. Très didactique, cet exposé nous apprend tout sur les vents, les nuages, les dépressions et les anti-cyclones. On comprend d'ailleurs, qu'on se dirigeait en plein vers le coeur de la dépression installée dans le golfe de Gênes... et que ça aurait bastonné. C'est pourquoi, prudent et soucieux de nous préserver un minimum de confort (c'est un stage payant, quand même) le commandant a décidé de faire un astucieux virement de bord et de nous diriger vers des eaux un peu plus calmes. A midi, une dizaine de stagiaires étaient absents pour le repas... C'est un signe. Dommage pour eux, car la cuisine est excellente et le tiramisu de Lionel fabuleux.

Après le cours de météo, Jean-Pierre Boin nous conte l'histoire fabuleuse du Belem, plusieurs fois miraculé, changeant plusieurs fois de nom et de propriétaire, transportant Coco Chanel, dont le commandant nous révèle qu'elle n'était autre que la maîtresse du Duc de Westminster, qui avait acheté le voilier pour emmener la belle faire de jolies croisières.

En s'écartant de la dépression, le Belem navigue au sud ouest par vent arrière en direction du Golfe de St-Tropez et des îles d'Hyères.

Domi et moi sommes du quart de 20h-24h, le moins pénible par rapport à la fatique et au sommeil. Pourtant, on se fait littéralement rincer pendant 3 heures. Il pleut, il y a des éclairs tout autour de nous, le vent est froid, Domi grelotte malgré les cinq épaisseurs de vêtements qu'elle supporte. Et Jérémy, un jeune gabier en rajoute une sixième en lui offrant généreusement sa veste de quart. Très mauvaise nuit pour Domi qui déjà n'a pas apprécié de se faire houspiller par Pépé, le bosco, quand elle a rejoint son poste. Le problème c'est que Pépé a la voix cassée par quarante ans de Gitanes, et que même quand il parle gentiment, on a l'impression de se faire engueuler!

C'est pourtant dans ces conditions pas très confortables que j'ai le plaisir de barrer Le Belem pendant une heure, de nuit. C'est génial. Dans le noir, au milieu de nulle part, je barre un voilier de 58 mètres! C'est féérique. Bon, d'accord, un gabier est à mes côtés et le bosco veille au grain. Mais quand même. Toutefois, comme je l'avais constaté sur le Christian Radich, un navire de cette taille réagit lentement, et il est difficile de garder son cap sans faire de zigzags. Dès l'instant qu'il y a du vent et du courant, le voilier garde rarement le cap naturellement. Petit à petit, il a tendance à remonter au vent, ou à abattre. On donne alors un coup de barre pour revenir. Mais le compas ne bouge pas. Alors on en remet un peu. Puis encore un peu. Le disque gradué du compas commence enfin à revenir vers la position souhaitée. On attend un peu qu'il se rapproche vraiment du cap à suivre pour ramener la barre à zéro. Trop tard, les 500 tonnes du Belem ont entammé une courbe qui le fait passer de l'autre côté de la route à suivre. Il faut recommencer dans l'autre sens, en essayant de mieux anticiper la réaction du navire!



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4 octobre 2005 En mer

La nuit a été bienfaisante, malgré un voisin ronfleur (pire que moi, je n'exagère pas). Le petit déjeuner est avalé rapidement car il faut commencer par une séance d'entretien du voilier. Balais, chiffons à vitres, tous les ustensiles sont distribués. Le pont et l'intérieur du Belem font penser à une fourmilère dans laquelle s'affairent les ouvrières. Dire qu'à l'armée on faisait tout notre possible pour échapper aux corvées, et qu'à présent on fait ça avec le sourire! Bon, il est vrai qu'il y a quand même quelques grimaces ça et là!. Au bout d'une demi-heure, arrêt de l'entretien pour effectuer un virement de bord vent arrière, ou comme on dit aussi
lof pour lof. La manoeuvre est spectaculaire, car tout doit être parfaitement coordonné et ce le plus rapidement et dans un ordre bien précis, faute de quoi le virement a toutes les chances d'échouer, et il faut recommencer. De plus, la manoeuvre peut se révéler dangereuse si la brigantine n'a pas été correctement bordée et qu'elle passe d'un bord sur l'autre brutalement. D'ailleurs, sur un voilier école comme le Belem, elle est souvent amenée avant un virement lof pour lof. Coïncidence à nouveau, le briefing du Commandant Boin, après un petit point météo, est justement consacré au virement de bord avec un trois-mâts à l'aide d'une petite maquette et d'un paper-board. Les explications sont claires et précises, mais on comprend aisément pourquoi sur le pont, c'est une autre paire de manches!

Après le déjeuner, cours de matelotage sur le spardeck. J'en profite pour une petite séance photo, la lumière est bonne, et il ne faut pas rater une occasion de faire de beaux cadrages lorsque la voilure est totalement déployée. Le cours de Jean-Pierre Boin est consacré à l'histoire des révoltés du Bounty.

En fin d'après-midi, tout le monde est réuni sur le spardeck pour le cocktail traditionnel. Et là, surprise! Le Belem est ce qu'on appelle un "bateau sec", c'est à dire qu'on n'y consomme pas d'alcool, y compris aux repas. Mais le second jour, on vous sert un planteur plutôt du genre costaud. Et il n'y a pas de bar pour se cramponner.

Le vent a considérablement chuté et pour avancer, il a fallu remettre les moteurs en route. De fait, nous allons mouiller pour la nuit en rade de St-Raphaël. Inutile de faire des ronds dans l'eau, ce serait gâcher bêtement du carburant. Du coup les quarts de nuit sont annulés, ce dont personne ne se plaint compte tenu des conditions supportées la nuit précédente.



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5 octobre 2005 En mer - Cannes

Lever du jour magnifique. Le ciel est dégagé. Nous quittons le mouillage au moteur. Nous commençons à envoyer de la toile vers 9h00. En quelques minutes, toutes les voiles ou presque sont établies.

Le cours du Commandant Boin concerne, si ma mémoire est bonne, les différents types de gréements des grands voiliers. Je dis "si ma mémoire est bonne" car nous avons surtout retenu la grosse farce mise en place par les gabiers, et dont le commandant a fait - gentiment - les frais. Explications. Pour assister aux briefings et aux cours, les stagiaires sont assis à même le sol et sur les coffres de côté dans le grand rouf. Le commandant se place à côté du magnifique escalier à double rampe, avec ordi, projecteur et écran. Juste au dessus se trouve une écoutille. Habituellement fermée, celle-ci est curieusement ouverte. Après tout, il fait beau, c'est une manière d'aérer un peu ce rouf plein à craquer. L'exposé du commandant est donc commencé depuis un bon moment, lorsque dans un grand fracas, un gabier vêtu d'un pantalon et veste de ciré jaune, masque de plongée, entonnoir sur la tête, "tombe" de l'écoutille, retenu par son harnais, et hurle "Opération de sauvetage de la SNSM". Hilarité générale, après quelques secondes de stupeur. Le commandant est mort de rire. Nous apprenons par la suite qu'il n'était pas le dernier à donner dans ce genre de plaisanteries! Le cours reprend, mais l'attention n'est plus aussi soutenue.

Pour le second service, nouveau gag. Myriam, qui en est à sa ènième navigation à bord du trois-mâts et qui fait presque partie de l'équipage, est appelée par Lionel, le cuistot pour sonner la cloche. De bonne grâce, elle saisit la corde et fait tinter la cloche... et reçoit illico deux seaux d'eau sur la tête. Mais ça, malheureusement, je ne l'ai pas vu, occupé à débarrasser la table du premier service!

Le Belem longe maintenant la Côte d'Azur. Spectacle attristant que cette côte, défigurée par les constructions. Le béton dévore les collines, du moins la partie sud, ensoleillée et donnant sur la mer, délaissant, mais pour combien d'années encore, les vallées ombragées, moins prisées par la promoteurs. Je découvre avec tristesse la transformation du littoral, car vu de la mer, la dégradation est encore plus flagrante qu'à terre.

A l'approche de Cannes, le pilote du port prend la barre du Belem. Arrivés au port, les pousseurs ont un mal de chien à faire accoster le voilier. mal coordonnés, ils sont obligés de s'y prendre à plusieurs reprises avant d'y arriver.

En descendant l'échelle de coupée, je suis surpris de découvrir des visages que je n'avais pas vu, ou pratiquement pas, de ces trois jours. Il est vrai que le système des quarts fait que pendant que les uns travaillent sur le pont, d'autres se reposent ou se restaurent, et puis il y a eu le mauvais temps, responsable de pas mal de nausées contraignant certains stagiaires à rester allongés sur leur bannette, ce qui, on le sait, est pourtant la pire des solutions!

Le Belem n'est donc plus un mythe pour moi. C'est un voilier merveilleux, même si je considère que certains aménagements pourraient être mieux pensés. Mais je ne vais pas en faire ici la critique, ce serait bien présomptueux de ma part. Malgré ses 109 ans il est en parfait état, admirablement bien entretenu, et il fait à juste titre l'admiration de tous dans tous les ports où il fait escale.



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