L'ÎLE D'YEU (France - Vendée)
46"43'30"
Nord - 2"20'50" Ouest
23 km² - Altitude maxi 32 m.


L'Île d'Yeu, joyau de l'Atlantique. Mon île. L'île de mes dix ans, de mes premiers reportages photographiques lorsqu'en 1959, je débarquai de l'Amiral de Joinville, ancien dragueur de mines assurant la liaison depuis Fromentine, pour passer un mois de vacances chez des amis, Mr et Mme Papin, à Ker Châlon, puis à nouveau en 1960.

Située dans sa partie la plus orientale à 17 km du continent, l'Île d'Yeu en est trop éloignée pour y être rattachée par un pont. De nombreux touristes sont aujourd'hui rebutés par la traversée en bateau et toutes les contraintes que cela représente, et c'est bien ainsi. C'est sans doute pour cette raison qu'elle a gardé son caractère sauvage, qu'elle n'a pas été colonisée par les promoteurs dont les projets ont été, il faut le dire, repoussés par les Îlais fermement décidés à défendre leur terre, que dis-je, leur île.

Quarante ans se sont écoulés avant que je puisse y retourner en 1999. Et curieusement, je n'ai pas été dépaysé, contrairement à ce qui se passe habituellement lorsqu'adulte on retourne sur les lieux de son enfance. Je n'ai pas eu ce sentiment d'écrasement dû au fait qu'ayant grandi je ne vois plus les choses comme avant. Le béton n'avait pas envahi le paysage. Les maisons sont restées les mêmes, petites, proprettes, les volets toujours peints aux couleurs des bateaux de pêche. L'Hôtel des Voyageurs dont le simple nom évoquait pour moi les grandes traversées et les aventures des explorateurs était toujours là, tel qu'il était resté gravé dans ma mémoire. Certes, il y a un peu plus de monde, les voitures sont un peu plus présentes, l'Insula Oya II qui a remplacé l'Insula Oya et l'Amiral de Joinville transporte trois fois plus de passagers et de voitures que les deux précédents réunis. Toutefois, l'île ne peut recevoir plus de touristes qu'elle ne peut en loger, et compte tenu des contraintes de transport par mer, on ne vient pas sur l'île pour la journée.

Les chemins de l'île n'on plus n'ont pas changé. Ou si peu. Enfant j'ai parcouru toutes les routes et les chemins de terre de l'île à vélo, moyen de locomotion idéal pour en découvrir toutes les richesses. Quarante ans plus tard, j'aurais presque pu y circuler les yeux fermés, conduisant Domi sur les traces de mon enfance. Le bitume n'a presque rien gagné sur les chemins de terre, les petites routes de l'intérieur sont toujours bordées de muriers sauvages dont on se régale des baies au mois d'août.

L'histoire de l'Île d'Yeu elle-même est étonnante. Parfois île, parfois péninsule, selon le niveau des océans, elle ne connaît son insularisation actuelle qu'il y a environ 5.000 ans. La langue de terre qui la reliait au continent reste connue aujourd'hui sous le nom de Pont d'Yeu. Tout pourrait faire penser que cette île est bel et bien bretonne. De nombreux lieux sont dénommés "Ker", nom typiquement breton (Ker Bossy, Ker Châlon, Ker Pissot,...). Port-Joinville ne s'appelait-elle pas autrefois Port-Breton? Et pourtant, selon Jean-François Henry, historien natif de l'Île d'Yeu, Ker serait une déformation du mot poitevin Querui ou Queri, désignant l'espace réservé à la communauté d'un hameau pour "venter" le blé. Par ailleurs, la plupart des noms d'anciennes familles ont des consonances typiquement poitevines.

Comme les îles océanes de Bretagne, les côtes de l'Île d'Yeu offrent des paysages totalement opposés. La côte orientée vers le continent offre de grandes plages de sable blanc et doux, parfois bordées de sapins leur donnant un air d'île tropicale. L'Anse de Ker Châlon, la Plage des Sapins, celle du Marais Salé, ou la Plage de la Grande Conche, sont autant de lieux de détente, d'aires de jeux ou de sports de glisse et de voile. La côte tournée vers l'océan est constituée de falaises d'une vingtaine de mètres de hauteur, véritable rempart naturel s'opposant aux assauts des tempêtes venant du large. Leur bordure déchiquetée atteste de la violence des vagues qui les martèle depuis des milliers d'années.

Comme la plupart des îles, l'île d'Yeu bénéficie d'un microclimat. Les petites maisons aux murs blancs sont d'ailleurs plus proches des habitations méditéranéennes que des maisons bretonnes pourtant toutes proches. La végétation y est aussi très particulière pour cette latitude. L'intérieur de l'île présente une grande variété de plantes et de fleurs. Dans la lande aux parfums de vanille, on peut entre autres y découvrir l'asphodèle. Les murs de pierre des hameaux sont ornés de roses trémières, de bougainvillées et d'hortensias.

L'île abrite également de nombreuses espèces d'oiseaux aquatiques. S'il est impossible de manquer les goélands omniprésents, on peut parfois observer le vol de fous de Bassan ou de petits pingouins, mais aussi des faucons crécerelle.

Depuis toujours, les Islais ou Ogiens (c'est ainsi que s'appellent les habitants de l'Île d'Yeu) tirent la majeure partie de leurs ressources de la pêche. Il y a quelques dizaines d'années à peine, Port-Joinville était le premier port thonier français d'Atlantique. En 59/60, j'ai vu sans doute les dernier thoniers Dundee, ces magnifiques voiliers en bois, partir pour des campagnes de pêche au thon germon (prononcer jarmon). A l'époque les thons étaient pêchés à la canne. Aujourd'hui, même si la pêche reste une activité importante, elle a fortement diminué et l'on peut voir à la sortie de Port-Joinville en direction de la Pointe du But, les vestiges de conserveries qui connurent pourtant leurs heures de gloire.

Aujourd'hui la totalité de la côte sauvage est en zone protégée et il n'est plus possible de construire. Les falaises ne sont accessibles qu'à pied ou en vélo, de lourdes chaînes et des chicanes interdisent le passage des voitures et des deux-roues à moteur. Par exemple, pour se rendre au Vieux Château, les vacanciers adeptes du scooter ou du quad devront abandonner leur monture à l'entrée du chemin qui y mène et faire un bon kilomètre à pied avant de découvrir ce vestige d'une autre époque.

Petite mise en garde pour les promeneurs qui au mois de mai se promènent sur la côte sauvage: c'est l'époque de la couvaison des œufs de goélands. Or ces œufs sont simplement déposés à même le sol et se confondent facilement avec des cailloux. Et si l'on s'en approche par mégarde, on risque fort de se faire attaquer par les adultes qui veillent alentour. Un jour, j'en ai vu un cracher sur Domi (malheureusement les postillons ne se voient pas sur la photo) et un autre a, je pense, tenté de me bombarder avec une fiente! Et ce n'était pas un largage de lest pour décoller. Il se dirigeait droit sur moi en criant. Il m'a raté de peu!

L'album que je vous propose de consulter est bien sûr loin d'être complet. Mais je m'efforcerai de le compléter à chacune de mes visites sur l'île.

 



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