1er Défi des Goélettes - La Belle-Poule vs La Recouvrance
Paimpol / Guernesey / Brest
15 - 19
août 2011



 

 

 




Introduction

C'est au Lieutenant de Vaisseau Bernard Laurent, commandant de La Belle-Poule, que nous devons cette excellente idée du Défi des Goélettes. Il est vrai que les deux voiliers de la Royale, La Belle-Poule et L'Etoile, ont l'habitude depuis de nombreuses années de tirer des bords avec La Recouvrance en rade de Brest. Mais c'était juste au hasard des sorties, sans fixer ni règles ni parcours.

Considérant qu'en régate les marins tirent le maximum de leur voilier parce qu'ils ont envie de gagner, et qu'ils ne se contentent pas d'un réglage "correct" comme c'est le cas en croisière ou en exercice, il a eu l'idée de proposer cette joute amicale à Yann Roger, l'un des deux capitaines de La Recouvrance, qui s'empressa d'accepter le challenge avec joie.

Les conditions de vent et l'état de la mer peuvent avoir une incidence importante sur le comportement des voiliers. La Belle-Poule est un peu plus longue et plus lourde que La Recouvrance. Son étrave est plus fine ce qui la fait s'enfoncer davantage dans la lame quand la houle est formée. De fait, par petit temps, La Recouvrance est relativement avantagée car un peu plus maniable. La surface de voile de la Belle-Poule est très légèrement supérieure, mais au vent arrière, l'absence de perroquet peut se faire sentir.

Quant aux équipages, celui de la Belle-Poule est constitué de marins professionnels et de jeunes stagiaires de la Marine Nationale, tandis que celui de La Recouvrance est composé de cinq marins professionnels et de douze amateurs comme moi, et dont la condition physique ne vaut sans doute pas celle des militaires.

La première manche s'est courue le lundi 9 en Mer d'Iroise, la seconde du mardi 10 au mercredi 11 entre Brest et Paimpol. Les deux manches ont été remportées par La Recouvrance commandée par Yann Roger.



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14 août - Paimpol

Paimpol pendant la fête des Chants de Marins n'a rien à envier aux grands rassemblements. La foule est tellement dense qu'on a du mal à se frayer un chemin. Les marchands de produits locaux, les buvettes, marchands de hot-dogs et sandwiches divers alternent avec les vendeurs de vêtements de marins, souvenirs et autres colifichets, canalisant les promeneurs entre leurs deux rangées de tentes.
Un grand podium accueille les groupes de chanteurs qui se succèdent sans relâche pour animer cette grande fête.

C'est l'ambiance fête foraine, les manèges en moins. Quelques espaces ménagés entre les tentes permettent d'accéder aux voiliers.

Des voiliers, je n'en ai jamais vu autant en si peu de place. Je ne sais pas comment ils arrivent à les faire tenir, ils sont parfois jusqu'à cinq à être à couple. A première vue ils semblent être dans tous les sens, imbriqués les uns dans les autres. En fait, il n'en est rien, mais ils sont si bien rangés, serrés bord contre bord qu'on a du mal à voir la surface de l'eau!

Ils sont venus de tous les ports de Bretagne, Lola of Skagen a fait le déplacement de l'île d'Oléron. Mais je suis vraiment impressionné par le nombre de voiliers britanniques. Ils sont venus en force, tous plus jolis les uns que les autres. Tout cela compose un tableau splendide, les coques multicolores se reflétant dans les eaux calmes du port.

A bord de La Recouvrance, l'équipage est pour nous entièrement nouveau. Yann Roger que nous connaissions bien a cédé le commandement à Yann de Kerdrel. Les autres membres d'équipage sont Alban, Franck, Yannick et Paul. Outre Marie-Laure, qui a fait le voyage avec nous depuis Guingamp, nous retrouvons à bord les Amis des Grands Voiliers, Jeanne (la Granvillaise), Geneviève et Bernard, et une autre Geneviève. Marc, Paul, Jean et Pascal complètent l'équipe.

La nuit promet d'être bruyante et un peu chaude! Certains visiteurs ont un peu forcé sur les divers jus de fruits proposés sur les stands!

Marie-Laure rentrera tard: elle a rendez-vous avec... Carlos Nunez!





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15 août - Régate 3


Il fait un temps superbe ce lundi matin lorsque je monte sur le pont. Les voiliers commencent à bouger un peu, les premiers sont déjà devant l'écluse. Notre voisin britannique semble avoir eu une nuit difficile. Il n'y a personne sur le pont, les vitres de la timonerie sont embuées, visiblement personne n'est levé. Pourtant il va bien falloir qu'il nous laisse partir, nous avons un rendez-vous important! La Belle-Poule s'apprête à appareiller.

On craignait une sortie compliquée, mais les voiliers quittent le bassin dans un ordre tout à fait remarquable. Ce n'est pas la foire d'empoigne qu'on imaginait. A 8h40 nous larguons les amarres. La sortie du port de Paimpol est magnifique, avec des voiliers un peu partout, c'est magique. Les voiliers d'Etoile Marine sont groupés au soleil, toutes voiles dehors. Il y aurait de la prise de vues dans l'air que ça ne m'étonnerait pas.

La Belle-Poule est partie assez loin vers l'est. L'heure de départ a été retardée à 13h00. En attendant, nous allons mouiller à l'abri de Bréhat. Yann nous présente l'équipage, évoque l'origine de la construction du voilier, puis Alban rappelle de façon très complète mais non dénuée d'humour les règles de sécurité à bord.

La Belle-Poule réapparaît peu avant le départ. Elle a déjà tout dessus, un tangon est déjà en place à tribord pour envoyer la fortune ou un foc ballon. Sur La Recouvrance on a déjà tout envoyé aussi, à part le flèche qui est toujours sur le pont et qu'on enverra un peu plus tard. Jouant au chat et à la souris, les deux goélettes se tournent autour, chaque barreur essayant de se positionner le mieux possible, sans voler le départ. Question de fair-play, leitmotiv de ce défi.

La ligne est franchie à 13h précises. Très vite notre voilier prend l'avantage. Inexorablement, nous dépassons la Belle-Poule. Mais le vent est faible. Marins comme stagiaires, chacun met tout ce qu'il peut pour faire avancer le voilier et gagner cm par cm. A 15h30 on amène la trinquette et on envoie la fortune carrée. C'est ma sixième navigation à bord de La Recouvrance, et pour la première fois, j'assiste à l'établissement de cette jolie voile. Elle est légère, c'est un peu l'ancêtre du spi. C'est beau. De l'extérieur la goélette doit être superbe.

On n'avance pas très vite, mais tout va bien, la Belle-Poule avance encore moins vite que nous. Il y a en permanence au moins une paire d'yeux sur tribord pour s'assurer que nous la maintenons à bonne distance.

En fin d'après-midi nous approchons de Guernesey. On croit toucher au but. Hélas le vent a considérablement faibli. On n'avance pratiquement plus. Pire, le courant nous repousse vers l'est. On dérive devant Guernesey, en direction de Sercq. Vers 19h, la Belle-Poule appelle:
- Qu'est-ce que vous pensez de la situation?
- Tout va bien, c'est super, on est à 15-16 nœuds
- Oui, c'est ça nous aussi... Bon qu'est-ce qu'on fait? On peut régater toute la nuit si vous voulez
- Bien sûr, pas de problème! Maintenant, ce n'est peut-être pas ce qu'il y a de plus passionnant!
Petit jeu d'intox en réalité entre les deux marins, pour essayer de faire dire à l'autre qu'il abandonne. En fait, beau joueur, car la Belle-Poule est à 2 ou 3 milles derrière nous, le capitaine de La Recouvrance propose d'annuler la manche puisqu'aucun des deux voiliers n'arrive à franchir la ligne.

Au moteur, nous prenons la direction de Sercq plus pittoresque, tandis que la Belle-Poule fait route vers Guernesey. C'est un voilier militaire, et il ne peut pas changer de lieu de mouillage qui a été déposé.

Nous mouillons l'ancre dans une petite anse tranquille. Surprise: parmi les voiliers qui ont décidé de passer la nuit dans ce coin paisible, se trouve l'André-Yvette dont nous avons vu la mise à l'eau il y a dix jours à St Vaast la Hougue! Demain matin nous irons faire une petite balade improvisée sur l'île.



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16 août - Escapade à Sercq

Pendant le petit déjeuner le zodiac a été mis à l'eau. En deux tours, Yannick nous débarque dans le joli petit port de Creux Harbour. Ce qui frappe en tout premier dès les premiers pas sur l'île, c'est le nombre de lieux, de rues, de noms de maison ou d'établissement d'origine ou de consonnance française. Pourtant elle est rattachée à la couronne britannique depuis le 13ème siècle après avoir appartenu au Duché de Normandie, et n'a donc jamais été française!

Malgré le développement du tourisme qui assure d'ailleurs un part importante de ses ressources, Sercq est restée une île très naturelle, magnifiquement préservée.

Nous disposons de peu de temps, et de ce fait décidons de nous diriger de suite vers les falaises d'où l'on espère découvrir un joli panorama. Nous empruntons un sentier qui, en surplombant le port nous mène d'abord au Cap des Lâches. Nous nous dirigeons ensuite vers Dixcart Bay. Il y en a pour un petit quart d'heure de marche dans le bois, traversant des petits torrents ou longeant de jolies maisons totalement isolées. Il faut vraiment aimer la solitude pour venir habiter ici! Le chemin descend jusqu'à la plage, et nous découvrons qu'il s'agit du lieu de mouillage de La Recouvrance!

Au retour nous passons par le village où nous découvrons entre autres curiosité la boulangerie Victor Hugo! Ça ne s'invente pas!

 

 



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16/17/18 août - Régate 4

Le départ de la dernière régate est fixé à 14h30. La ligne est franchie par les deux voiliers presque côte à côte. Le vent, hélas, nous vient de l'ouest. Nous sommes donc contraints de faire route vers la côte, c'est à dire vers Paimpol... Encore une fois, chacun fait le maximum, et au bout de dix minutes, la Belle-Poule est déjà en retard. Mais il nous reste beaucoup de milles à parcourir, et la partie est loin d'être jouée. A 17h nous avons un demi mille d'avance. Mais on ne bouge plus, c'est à nouveau la pétole. On est ballottés par la houle.

Yann pense qu'il faut tenter quelque chose et prend la décision de virer de bord et d'envoyer la fortune. Ça ne change rien, en apparence. La Belle-Poule continue sa route, à l'est vers le continent. On a tendance à reculer. Yann fait alors mouiller l'ancre flottante, sorte d'entonnoir souple de deux mètres de long censé freiner notre marche à reculons. La Belle-Poule aurait-elle fait une meilleure opération? Eh non, trois-quarts d'heure plus tard elle vire de bord elle aussi. Mais en continuant sa route initiale, elle a pris beaucoup de retard. Finalement Yann a pris la décision de changer de cap au bon moment.

Je fais le quart de nuit de 0 à 4h, le fameux "zérac", avec Alban et Franck, Marie-Laure, Geneviève, Bernard... A part quelques réglages de voiles, notre nuits est relativement calme. Toutefois, le manque de vent et le courant rendent le voilier difficilement contrôlable. La barre est quasi inopérante et il faut agir sur les voiles pour continuer lentement notre route dans la nuit.

Nous surveillons les feux de position de la Belle-Poule et bien sûr toutes les lumières environnantes. J'ai eu du mal à me reposer après le dîner et ce quart est vraiment dur à terminer.

Nouveau quart de 8h à 12h. Eh oui, ça revient vite quand on n'est pas assez nombreux pour former trois équipes! Les positions n'ont guère évolué, sauf que nous avons enfin du vent. Toujours à la recherche de la meilleure performance, Yann nous explique sa tactique: nous allons nous rapprocher de la côte car c'est bientôt la renverse. Et, nous explique-t-il, près de la côte le jusant est sensible dans cette zone une heure plus tôt qu'au large. Il va donc nous aider plus tôt que la Belle-Poule qui est restée plus au nord, espérant toucher plus de vent, ce qui, hélas pour elle n'arrivera pas.

Tout l'après-midi, le vent sera présent et, le courant aidant, nous allons bon train, dépassant parfois les 10 nœuds. Nous allons embouquer le chenal du Four de nuit avec une avance confortable, mais Yann redoute qu'on en sorte avec le courant contre nous. Son inquiétude sera de courte durée: compte tenu des prévisions météo et des impératifs horaires de la Belle-Poule, les deux capitaines décident d'un commun accord de raccourcir l'épreuve: la ligne d'arrivée sera située au niveau du phare de la Grande Vinotière. Nous descendons le chenal dans un calme étonnant. La nuit est claire et nous distinguons parfaitement la côte et ses récifs. Il n'y a pratiquement pas de vent, la coque glisse sur une mer sans vague, presque sans remous. Nous descendons un long fleuve tranquille...

Nous passons la ligne d'arrivée en silence, dans le calme et la douceur de cette nuit d'été. La Belle-Poule est à près de 10 milles derrière nous. Il n'y a pas d'éclats de joie car nos compères qui vont nous relayer dans une heure sont en plein sommeil, mais la joie est interne et se lit dans nos regards malgré la pénombre. Finalement nous sortons du chenal sans problème. Nous effectuons un virement de bord au large de Camaret pour repartir vers le goulet de Brest. Nous recevons alors un appel du commandant de la Belle-Poule. Il nous félicite pour notre performance et Yann en particulier pour ses choix tactiques.

La réception à bord de la Belle-Poule se fera quai Malbert à 16h. Nous allons mouiller dans la baie de l'Auberlac'h pour un petit moment de repos bien mérité.




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18 août - Réception à bord de la Belle-Poule

Un défi, c'est une épreuve amicale, et comme il se doit, le perdant offre le verre de l'amitié au gagnant. Arrivée directement à Brest, la Belle-Poule nous attendait quai Malbert, à l'emplacement habituel de La Recouvrance, deriière l'impressionnante Abeille Bourbon.

Nous nous mettons à couple de la Belle-Poule. Alban qui y a servi six ans saute à son bord sitôt les amarres tournées sur les taquets. Le commandant Laurent nous invite ensuite à le rejoindre. Les hommes d'équipage sont encore en train de dresser le buffet.

Après un discours sympathique, soulignant la performance et le fair-play des deux équipages, le Contre-amiral du Ché remet les récompenses aux deux commandants, qui sont en fait un agrandissement d'une photo des deux goélettes, sans doute prise par un professionnel au départ de l'épreuve en rade de Brest. Ironie du sort, la photo choisie, certes magnifique, montre le navire de la Royale devançant notre Recouvrance, ce qui n'aura pas duré bien longtemps!

"Je suis heureux de quitter mon commandement sur une défaite!" nous dit sur le ton de l'humour le Lieutenant de Vaisseau Laurent, saluant la fine stratégie de Yann de Kerdrel, reconnaissant que "même si les conditions météo avaient été plus favorables, cela n'aurait sans doute pas suffi pour battre La Recouvrance".

Ce soir, la Belle-Poule rentre en carénage et son commandant quitte le bord, pour une autre affectation! Quant à nous, nous retournons au mouillage dans l'anse de l'Auberlac'h. Le temps est calme et Franck nous a prévu un super barbecue. Mais je pense que personne n'oubliera son extraordinaire crème brulée, si délicieuse qu'on finit par lécher les assiettes!




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19 août - Anse de l'Auberlac'h / Rade de Brest

Sous le beau soleil breton, l'anse de l'Auberlac'h ressemble plus à un étang qu'à la mer! Pas une ride, pas un pouce de vent. On met ces conditions à profit pour quelques activités que la régate ne nous a pas permis de pratiquer depuis le départ de Paimpol, comme grimper jusqu'au chouque ou admirer La Recouvrance du bout du bout-dehors, laver le pont... Après avoir mis le zodiac à l'eau, Alban emprunte deux appareils photos pour faire le tour du voilier et nous prendre tous groupés à l'avant. Sympa.

Tout au long de ces cinq jours, l'ambiance à bord a été exceptionnelle. L'entente entre les marins et les stagiaires a été totale. Il y avait une cohésion au sein de ce groupe que je n'avais jamais connue auparavant. Il est vrai que nous étions tous animés par une même motivation, ça aide. Comme je l'ai écrit plus haut, l'équipage était composé de marins que nous ne connaissions pas. A l'instar de ceux qui nous ont accueillis précédemment, ils ont été excellents.

Quelle belle idée ce 1er Défi des Goélettes! A priori l'évènement a eu un impact médiatique assez conséquent, et pas seulement en pays brestois. L'information a été relayée dans toute la presse régionale. Si cela pouvait donner l'envie à d'autres armateurs ou propriétaires de goélettes de venir s'aligner l'année prochaine, ce serait fantastique. Allez on prend rendez-vous?



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