LOLA OF SKAGEN côtre (île d'Oléron -
France)
La Rochelle / Saint-Martin de Ré / Rochefort / La Rochelle
19-20-21-22
avril 2007
De retour sur le quai où elle doit accoster, nous découvrons Lola of Skagen passant silencieusement entre les deux célèbres tours. Malgré ses 88 ans le voilier a fière allure. On a dès le premier regard une sensation de robustesse, d'équilibre, sans doute liée à l'harmonie de ses formes, bien que, entrant dans le port, elle ne soit pas sous voiles. A bord, fidèle à sa renommée, Jean-François nous accueille de façon fort sympathique et nous présente l'équipage: sa femme Margot, matelot-cuisinière, Guillaume, stagiaire, et "les drôles" Max et Luc, leurs enfants qui ont déjà passé une bonne partie de leur vie sur ce bateau. Valeria, une amie de l'île d'Oléron les accompagne pour cette croisière. On prend vite ses repères sur Lola. L'intérieur me fait un peu penser à La Recouvrance en plus petit. C'est un peu plus rustique, mais chaleureux et confortable. Entre
l'apéritif de bienvenue et le dîner, nous assistons à
une manoeuvre que je n'avais encore jamais vue: Jean-François
et son équipage règle les aussières
d'une façon inhabituelle. Explication du patron: |
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avril 2007 - La Rochelle / Saint-Martin de Ré La grand-voile est envoyée aussitôt après. L'avantage sur un voilier de la taille de Lola est que les voiles ne sont pas surdimensionnées, et qu'il ne faut pas une armée de bonshommes pour les manoeuvrer. Diane a l'honneur d'être la première à prendre la barre. Nous naviguons dans le Pertuis d'Antioche et nous allons contourner l'ïle de Ré par l'ouest. Au large du Bois-Plage l'épave du Rokia Delmas, porte-conteneurs de 185 mètres échoué depuis le 24 octobre 2006 à la suite d'une panne de moteurs, est en cours de découpage, alors que la barge-grue Rambiz vient d'arriver sur place. Car l'épave étant trop endommagée, elle sera découpée sur place en cinq tronçons. Il fait un temps splendide. Le ciel est d'un bleu intense et il n'y a pas un nuage. Malheureusement, et cela va souvent de pair, il n'y a pas beaucoup de vent non plus. Qu'importe, cela va nous permettre, Guillaume et moi, d'effectuer une manoeuvre musclée: établir le flèche. Et ce n'est pas une mince affaire. Le flèche est une voile complémentaire gréée sur une vergue libre. Au départ, la vergue est tout simplement sur le pont. Grâce à une drisse de fortune, il faut donc la hisser verticalement jusqu'au capelage supérieur, en veillant bien sûr à ce qu'elle ne se bloque pas dans les différents cordages qui redescendent du mât. Ce qui d'ailleurs ne manque pas d'arriver. Il faut alors redescendre la vergue en dessous du point de blocage, la manoeuvrer à la main pour la faire passer du bon côté, et remonter à nouveau. C'est épuisant. Ensuite, il faut envoyer la voile, qui elle aussi arrive à se bloquer par endroits. La manoeuvre est difficile mais le résultat est sympa et permet de gagner nettement en vistesse. Gréer le flèche ne se fait que par petit temps, lorsqu'il faut aller chercher un peu de vent le plus haut possible. Heureusement! En début d'après-midi nous passons au large du phare des Baleines et de celui des Baleineaux pour revenir dans le Pertuis Breton. Nous arrivons à Saint-Martin de Ré peu avant 17h. Après quelque temps d'attente dans l'avant port, Jean-François vient aborder au ponton qui lui a été désigné quai Daniel Rivaille, se faufilant entre les voiliers avec une dextérité qui laisse pantois les plaisanciers qui assistent, curieux, à la manoeuvre. Vu l'heure, nous avons largement le temps de faire un tour du port ou une petite balade sur les fortifications de Vauban. Pour ma part, j'opte pour le tour du port. Bien que nous soyons en avril il fait une chaleur estivale. Les touristes qui depuis quelques années ont fait de l'Île de Ré le dernier endroit "à la mode" où il est bon de se faire voir, ont afflué en masse pour profiter de ce superbe week-end, et le petit port de Saint-Martin ressemble à Saint-Tropez en plein mois d'août, les yachts de luxe en moins. |
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avril 2007 -Saint-Martin de Ré / Rochefort Lorsque nous quittons Saint-Martin, le ciel est toujours aussi clément, le soleil donne déjà, mais l'air marin nous fait quand même supporter quelques vêtements chauds. Guillaume a pris la barre, car nous devons passer sous le pont de l'Île de Ré, et quoiqu'il y paraisse, ce n'est pas un exercice à laisser à un débutant. Si on a l'impression - erronée - que le mât de flèche passe tout juste sous le tablier du pont, le courant de marée, le "jus", est suffisamment fort pour entraîner Lola vers le pilier droit. Profitant d'un vent plutôt mou, Jean-François décide d'essayer un spi que Guillaume a récupéré on ne sait où. A priori il est pratiquement neuf. En quelques minutes la voile est envoyée. Dommage que l'on ne puisse pas voir le voilier de l'extérieur, car un un cotre de 88 ans portant un spi rouge et blanc, ça vaudrait la photo. N'empêche, ce spi nous fait gagner pas loin d'un noeud. Pour un bateau en bois de plus de 40 tonnes, ce n'est pas mal du tout. Et pourtant, ce spi n'est pas vraiment adapté au bateau, car un peu trop petit. Il y a fort à parier que la saison prochaine, Lola sera dotée d'un spi blanc sur mesure! En début d'après-midi, Lola s'engage dans l'estuaire de la Charente. Et nous découvrons à nouveau un exercice inédit: sonder le fleuve. En effet, la sonde électronique du voilier est HS et il va falloir sonder à la main, comme au bon vieux temps! La sonde à main est constituée d'un plomb allongé, amarré par le haut à une ligne de sonde. Cette ligne est graduée par des noeuds tous les mètres. Si le bateau est sans erre, pas de problème, on mouille la sonde en laissant filer la ligne, on tâte le fond et on lit la graduation la plus proche de la surface. Si le bateau avance, c'est beaucoup plus délicat. Il faut lancer le plomb le plus loin possible en avant, reprendre le mou de la ligne sans soulever le plomb, et lorsque la ligne est à l'aplomb de la main, repérer le noeud le plus près de la surface, remonter la ligne en comptant le nombre de noeuds. Et bien, c'est beaucoup plus facile à dire qu'à faire! Nous serons plusieurs à nous y essayer, et les essais ne seront pas tous concluants. Il ne faut pourtant pas prendre l'exercice à la légère, on oscille entre 2,50 et 3 mètres de fond alors que Lola a un tirant d'eau de 2 mètres. Cet épisode de la remontée de la Charente rappelle aux "bédéphiles" que sont Jean-François, Guillaume et moi quelques passages de la BD de Lucky Luke "En remontant le Mississipi", ce qui amène inévitablement certaines citations savoureuses de dialogues entre le cow-boy solitaire et le vieux pilote du "Daisy Belle". Autre curiosité rencontrée lors de la remontée de la Charente, le vieux pont transbordeur de Rochefort. Ce type de ponts a eu ses heures de gloire au début du siècle dernier. Inauguré en 1900, il est utilisé jusqu'en 1967. Il servira de décor à la scène inaugurale du film "Les Demoiselles de Rochefort". En 1975 sa démolition est décidée, mais l'année suivante, le pont est classé monument historique. Il sera réhabilité en 1994, et réouvert au public pour une exploitation touristique.. Il est à ce jour le dernier pont transbordeur en France. Nous arrivons à Rochefort en milieu d'après-midi, ce qui nous laisse assez de temps pour visiter le chantier de construction de l'Hermione et la Corderie Royale. |
20 avril 2007 - La Rochelle / Saint-Martin de Ré La descente de la Charente se passe sans problème particulier. La marée haute nous évite de passer par le sondage manuel. Quelques oiseaux aquatiques et les cabanes de pêcheurs au carrelet meublent un paysage un peu monotone. Nous découvrons sur la rive gauche le Fort Lupin, construit par Vauban. La mer n'est pas encore assez haute pour recouvrir la Passe aux Boeufs qui relie l'Île Madame au continent. De gros 4x4 et quelques camping-cars en profitent pour envahir l'île. Il n'y a pas de vent, ou si peu. Il fait désespérément beau. Jean-François nous propose d'aller mouiller au large de l'Île d'Aix pour déjeuner tranquillement et se rendre ensuite sur l'île pour une visite d'une petite heure. L'île d'Aix est jolie, certes, mais toute l'activité touristique est tournée vers la mémoire de Napoléon, qui n'y séjourna pourtant que trois jours avant de partir pour Sainte-Hélène. On sait moins cependant que d'autres personnalités y ont séjourné, comme le Marquis Marc René de Montalembert qui fera réaliser le révolutionnaire fort casematé à trois niveaux de feu, l'écrivain Cholderos de Laclos, artilleur "promoteur" du boulet creux et qui écrira durant son séjour une partie de son sulfureux roman "Les liaisons dangereuses". Le dernier "hôte" connu fut... Ahmed Ben Bella qui y fut emprisonné trois ans, de 1959 à 1961 avant d'être libéré en 1962 et devenir l'année suivante le premier Président de la République d'Algérie. Le
grand absent de cette croisière, on s'en doute, aura été
le vent... Dommage pour une navigation à la voile. Mais ne boudons
pas notre plaisir. Ce beau temps nous aura permis de connaître
de beaux moments de convivialité, et d'apprendre des tas de choses
sur la voile et les vieux gréements grâce aux connaissances
et à l'art de la communication de Jean-François. Et déjeuner
sur le pont en avril ce n'est quand même pas mal! |