LA BOUDEUSE trois-mâts goélette
Fécamp / Brest

21 - 24 octobre 2009



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Mercredi 21 octobre 11h00 Fécamp.

Après avoir fait la route sous une pluie battante, celle-ci s'est un peu calmée lorsque nous arrivons à Fécamp. Domi et mes amis Marie et Bernard, ainsi que Martine et Daniel ont fait le voyage pour me voir embarquer à bord de La Boudeuse. Enfin! Un espoir entretenu depuis tant de mois! Patrice Franceschi, capitaine du trois-mâts et patron des expéditions menées à son bord, avait tenu à remercier les guides des Amis des Grands Voiliers du travail effectué à Paris en nous emmenant avec ceux qui allaient s'engager dans cette nouvelle mission "Terre - Océan", munis de cette précieuse lettre de mission signée par trois représentants de l'Etat Français, comme Bougainville il y a 234 ans!. Et comme d'habitude, il avait tenu parole. Malheureusement les hasards du calendrier et des retards dans les travaux font que je suis le seul des guides de La Boudeuse à pouvoir embarquer aujourd'hui.

Beaucoup de visages familiers sont venus assister au départ de la navigation n°1 de l'année 2009 de La Boudeuse. Car tout est enfin prêt. Je retrouve avec plaisir Jean-Marc Leforestier, second, qui commandait La Recouvrance au retour de la Semaine du Golfe 2007. Je dépose mon sac dans la cabine qui m'a été attribuée, la n° 1. La plus à l'avant du bateau c'est certainement la moins confortable. Je suis seul à l'occuper. Au moins mes ronflements ne dérangeront personne!

J'ai à peine le temps de prendre connaissance des consignes données avant mon arrivée (en gros la distribution des quarts et des rôles d'entretien), de trouver une veste de quart pour ne pas faire tache sur les photos traditionnelles, et il est temps de se préparer pour le départ. Les amarres sont larguées à 13h06.

Passant l'écluse, La Boudeuse salue le public fécampois de quelques coups de corne de brume, auxquels les autorités du port répondent par des pétards de feu d'artifice. Fernando et Amaury nous escortent sur le zodiac, suivis de peu par la pilotine sur laquelle Christelle (cuisinière sur La Boudeuse à Paris pendant plus de 6 mois) a réussi à embarquer, et un voilier de pêche traditionnel. Les gabiers sont déjà dans la mâture, afin de libérer les voiles et nous permettre d'établir au plus vite le phare carré. Un au-revoir symbolique envers la ville de Fécamp qui a accueilli chaleureusement La Boudeuse et son équipage. A 13h46, La Boudeuse navigue à la voile sous misaine, hunier fixe et hunier volant. Rapidement la trinquette et l'artimon sont établies. Seul le clinfoc fait des siennes: un oeil sur la drisse l'empêche de passer dans une poulie. Paul, Jean-Marc et Patrice, montés jusqu'au chouque n'y pourront rien. Il faut se résoudre à le serrer et attendre d'arriver à Brest pour remédier au problème.

Le vent est au sud-sud-ouest, et en brassant pointu, on arrive à avancer correctement. Du moins sur l'eau, car par rapport au fond, avec le "jus" contraire, on n'avance pas d'un poil (nous sommes dans une période de fort coéfficient et le flux de la marée est très sensible). Il nous faut des heures avant de voir Fécamp sur babord arrière. Pourtant, le temps est agréable, le ciel s'est dégagé. Les manoeuvres se sont bien déroulées, grâce aux directives précises et calmement expliquées, de Patrice et de Jean-Marc. Le capitaine est satisfait, pour une première manoeuvre en mer, tout s'est bien passé, et ce ne sera que mieux lorsque l'équipage sera rôdé. Malheureusement, tout en tournant de plus en plus au sud-ouest le vent faiblit. Vers 18h, il faut carguer la misaine.

A 18h30 le capitaine offre l'apéritif du départ. Après le dîner, je vais mettre un peu d'ordre dans ma cabine et j'essaie de me reposer un peu: je suis de quart de 0h à 4h, le quart le plus difficile. Si l'on arrive à dormir un peu, il faut sortir alors qu'on est en plein sommeil, et si on préfère veiller, on finit à 4h sur les genoux!

Jeune officier de la "Royale", Sébastien est chef de quart. Le quart descendant passe les consignes et Patrice nous salue du traditionnel "A vous le bateau" auquel Sébastien répond "A vous le repos". Géraldine et moi allons alterner à la barre et à la vigie toutes les heures. Le rôle de la vigie est très simple: scruter dans le noir devant et sur les côtés du navire à la recherche d'un éventuel point lumineux indiquant la présence d'un autre navire, d'un phare ou d'une balise. Si une lumière est aperçue, il faut la signaler par talkie-walkie au chef de quart, en indiquant couleur et position, nombre d'éclats et fréquence s'il s'agit d'un phare. Pour ce premier quart la tâche est simple: nous sommes encore bien loin du rail des cargos, et les abords de la côte ne présentent pas de danger particulier. Néanmoins c'est assez fatigant pour les yeux, sans cesse à la recherche d'une hypothétique lumière. Au bout d'une heure, la "relève de barre" arrive à point nommé!

De nuit, la tâche du timonnier n'est pas non plus de tout repos. En pleine mer, il n'y a pas d'amer (point de repère sur la côte), et il faut avoir l'oeil rivé sur le compas afin de corriger la trajectoire en permanence. Toutefois, La Boudeuse est assez docile, et en général, on maintient le cap avec un demi-tour de barre d'un côté ou de l'autre. Mais une seconde d'inattention, pour regarder le tachymètre, admirer la Voie Lactée, superbe en cette nuit d'automne, et on prend 10° dans la vue qu'il faudra vite rattraper par un ou deux tours de barre, et revenir doucement au cap. La manoeuvre est d'autant plus fatigante lorsqu'on n'est pas un "vrai" marin, qu'on a tendance à donner des coups de barre trop importants. Et la houle, devenue assez forte en fin de soirée ne facilite pas les choses. Cette houle qui me permet de vérifier que le voilier n'usurpe pas son surnom: "La Rouleuse". Après cette heure à la barre, vient une nouvelle heure de vigie, puis une nouvelle heure de barre. Puis le changement de quart.

Accoudé à la lisse, je savoure la fumée de ma pipe dont les volutes s'échappent en tourbillonnant. Quelques minutes plus tard, je m'installe dans ma bannette. Le tangage me berce comme un bébé, seul le bruit des vagues se cassant contre la coque métallique retardent mon plongeon dans un sommeil réparateur.



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Jeudi 22 octobre vers 5h00.

Je dors depuis une petite demi-heure peut-être lorsque Géraldine vient me réveiller.
- Michel, on va faire une manoeuvre.
- Qu'est-ce qu'il y a?
- On va faire une manoeuvre.
- Oui, et alors?
- On t'attend sur le pont.
- OK, j'arrive.
Quand on me réveille, mon esprit est rarement opérationnel avant plusieurs minutes. Je m'habille en vitesse et monte aussitôt sur le pont où l'on s'apprête à affaler
hunier fixe et hunier volant. Le personnel de quart est là pour diriger le navire. La manoeuvre des voiles nécessite donc de faire appel aux autres qui, de nuit, sont dans leur bannette! Dans l'idéal, il faut 8 personnes pour affaler les huniers. Pour cette navigation, l'effectif de La Boudeuse étant réduit, nous ne serons que 6 pour choquer les bras et les drisses (hunier volant), choquer les écoutes, carguer toutes les cargues, tourner écoutes , drisses et cargues sur leurs cabillots. Les voiles seront serrées au grand jour.

Je refais surface à 9h00. Julia, Orso et Léna prennent leur petit-déjeuner. Du haut de ses six printemps, Orso a déjà fait le tour de la terre à bord de La Boudeuse. Hélas, la houle lui a fait passer une mauvaise nuit et le pauvre gamin tente d'avaler une bouchée de pain et une gorgée de Coca... qu'il restitue presque aussitôt. Je ne peux alors m'empêcher de penser en souriant à l'écrivain qui navigua sur La Boudeuse dans le Pacifique et qui, constamment malade, avait surnommé le voilier "La Gerbeuse" (cf La Grande Aventure de La Boudeuse de Patrice Franceschi, tome 1, aux éditions Plon, en vente dans toutes les bonnes librairies...).

Le vent s'orientant de plus en plus à l'ouest, La Boudeuse à contre-courant n'avance presque plus et le capitaine a été contraint de mettre le moteur en route. Nous conservons encore quelque temps trinquette et artimon, mais en fin de journée, vent debout, il faudra tout affaler. Sans la contrainte d'arriver à Brest samedi au plus tard, nous aurions tiré des bords pour remonter au vent. Mais compte tenu de cet impératif, il vaut mieux naviguer au moteur seul, les voiles, dans cette configuration, finissant par déstabiliser le navire.

En revanche, côté ciel, c'est mieux que prévu. Les bulletins météo nous annonçaient de la pluie. Nous n'en recevons pas une goutte de la journée et nous avons même droit à quelques beaux moments ensoleillés, que je mets à profit pour prendre des photos des coffres, boiseries et autres dispositifs remis en état ou carrément changés au Havre.

Avec le soleil de l'après-midi, Fernando qui depuis Fécamp n'était pas au mieux (il nous dira plus tard qu'il en est ainsi à chaque départ) a retrouvé le sourire et sa bonne humeur habituels.

La vaisselle se fait toujours à l'eau froide. Il y a maintenant deux robinets flambant neufs. A gauche, l'eau douce, à droite l'eau de mer. L'eau douce est réservée à la cuisine et à la boisson. Finalement l'eau osmosée est excellente, bien meilleure que l'eau chlorée embarquée à Fécamp (pardon aux Fécampois). On fait donc la vaisselle à l'eau de mer, ce qui ne pose aucun problème. Tant qu'on ne se trompe pas de robinet pour remplir la cafetière, tout va bien!

Le quart de cette nuit sera à peu près conforme au précédent. Vent dans le nez, forte houle que nous nous efforçons de prendre de trois quart mais qui provoque néanmoins un roulis important, rendant les déplacements sur le pont relativement hasardeux. A la barre, ça reste correct car on se trouve sur le caillebotis qui accroche bien, même si parfois il faut adopter la position du dahut. En revanche, au poste de vigie c'est plus compliqué. Dans le noir, il n'est pas question de monter sur le rouf avant qui n'a pas d'échelle. Il faut rester sur le pont, et passer d'un bord à l'autre car on est gênés en vision vers l'avant par le beaupré et le filet. Le sol est rendu glissant par les débordements de la cuve placée sous le guindeau, et qui au rythme du roulis déverse un mélange eau-huile sur lequel même les bottes de pluie n'ont aucune accroche. Pas du tout doué pour le patinage artistique, je me fais quelques frayeurs, me raccrochant à l'aveuglette à tout ce que ma main rencontre. Au passage, je fais tomber la bouée lumineuse qui bien sûr se met en action. Je ne trouve pas tout de suite la façon de l'éteindre et je m'énerve un peu. Je finis par comprendre, un peu par hasard, qu'il suffit de lui mettre la tête en bas!

Nous avançons toujours lentement, contre le vent et le courant, et il faut du temps pour que les lumières de Guernesey s'éloignent vraiment. Sur tribord, quelques navires passent au loin, sans danger pour nous.

Allongé sur ma bannette, je ressens davantage encore les effets du roulis. Impossible de dormir sur le dos comme sur le côté, car il faut sans cesse compenser la gîte. Je ne sais pas comment équiper la bannette d'une bâche antiroulis, et je ne sais d'ailleurs pas non plus où elles se trouvent! Finalement, je constate qu'en me mettant en chien de fusil, les brois croisés devant moi, face au vide et une couverture roulée me servant de cale, j'arrive à ne plus me crisper. Je peux enfin m'endormir.



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Vendredi 23 vers 9h.

Cette fois, on ne m'a pas fait le coup de la manoeuvre à 5h00 du mat'. La nuit a été courte mais bonne.
Une partie de ma journée va être prise par les travaux d'entretien du navire: nettoyage du
carré salle à manger et de la timonerie. Et connaissant mal le règlement intérieur de La Boudeuse, je nettoie les tables, passe le balai et la serpière, ce qui normalement revenait ... au capitaine qui était de vaisselle. Eh oui, sur La Boudeuse, et c'est sans doute une exception dans ce domaine, le capitaine fait la plonge et passe le balai. C'est plus qu'une coutume, c'est pour Patrice une question d'équité et de savoir-vivre. Comment peut-on demander à des hommes (ou des femmes) d'exécuter des tâches que l'on n'est pas capable d'exécuter soi-même. Je suis tout à fait de son avis, et c'est d'ailleurs un précepte que j'ai toujours appliqué dans ma vie professionnelle. Mais quand même, il m'étonnera toujours!

Côté météo, le répit se poursuit et la matinée reste encore bien ensoleillée. La houle s'est un peu calmée et je saisis l'occasion pour demander à Patrice l'autorisation d'aller dans le filet faire quelques photos.
- Bien sûr me répond-il, pas de problème, il faut en profiter.
Hier l'entreprise aurait été plus risquée, car avec parfois des creux de quatre à cinq mètres, je me serais fait rincer à plusieurs reprises. Mais aujourd'hui c'est plus calme. Passant la sangle de l'appareil sur une épaule et sous le bras opposé pour qu'il ne tombe pas, j'enjambe le
pavois pour me glisser au plus loin que je peux sous le beaupré. Le spectacle comme toujours est superbe, et compense largement la frustration de ne pas pouvoir monter dans la mâture. Au rythme des vagues successives, l'étrave de La Boudeuse sort de l'eau, pour redescendre en créant deux gros panaches d'écume qui vont jusqu'à lécher les têtes de dragon. Gé-nial.

La pluie arrive dans l'après-midi. Ce n'est certes pas une pluie battante, mais suffisamment désagréable pour ne pas avoir envie de mettre le nez dehors. De toutes façons, le balai à la main, que pourrais-je y faire?

Grâce à l'appareil qu'il a déniché je ne sais où, Cyril nous a fabriqué trois miches d'un pain de campagne comme je n'en ai pas mangé depuis bien longtemps. Croûte dorée et croustillante, mie tendre et parfumée, un vrai régal.

Le quart de cette nuit sera le plus difficile, mais sans doute aussi le plus passionnant. Car pour éviter de contourner Ouessant, un détour qui dans les conditions de navigation actuelle nous aurait pris plusieurs heures, nous allons emprunter le Chenal du Four qui commence au phare du même nom pour se terminer à la pointe Saint Mathieu, soit une bonne dizaine de milles. C'est un passage relativement sûr car la mer y est souvent beaucoup plus calme qu'au large, et il est fort bien balisé. Il suffit de savoir prendre les alignements. Toutefois, ce chenal n'est pas très large et s'il y a du brouillard, ça peut devenir dangereux, comme nous l'a justement indiqué Jean-Marc.
- Quand vous embouquerez le chenal, reveillez moi, avait-il dit. S'il y a trop de brouillard, on réveillera le capitaine.

Dans ces conditions, le rôle de la vigie est primordial. Heureusement, le ciel s'est un peu dégagé et on peut apercevoir des étoiles. Plus on approche de la région des Abers, plus il y a de signaux lumineux. C'est tout d'abord le Four, très visible avec cinq éclats toutes les 15 secondes. Un peu devant, plus faible sans doute Keréon, un feu à occultation. Car il ne faut pas confondre les feux à éclats, dont le faisceau balaie le large, et les feux à occultation, constitués d'une lumière fixe, occultée par un masque tournant autour de la lampe, et qui sont à mon avis plus difficiles à discerner. Puis vient le Stiff sur l'île d'Ouessant, puissant feu rouge à 2 éclats toutes les 20 secondes. Puis viennent encore d'autres feux, plus éloignés. C'est sur ces feux que le chef de quart devra faire aligner le voilier pour le faire entrer dans le chenal.

Durant la troisième période de ce quart, j'ai l'honneur d'être à la barre pour embouquer le chenal du Four. Mais avec un peu la trouille quand même, car c'est une sacrée responsabilité, même si Sébastien est attentif à la marche du navire. De drôles d'idées me traversent l'esprit. Et si dans un moment d'inattention je me laissais embarquer et que je n'arrive pas à redresser la barre? De combien de degrés peut-on dévier sans problème? Suis-je capable de maîtriser ma route? De temps en temps Sébastien me fait changer un peu de cap, orientant notre route de plus en plus vers le sud. Les faibles variations et le calme de ses ordres me montrent que tout va bien et que je ne m'en tire pas si mal. Comme prévu Sébastien est allé réveiller Jean-Marc qui de toutes façons prend le quart suivant.

Je suis de vigie pour la quatrième heure. Le Four et le Stiff sont derrière nous. Je distingue moins bien les feux qui se présentent devant nous car une légère brume a fait son apparition. Rien de dramatique toutefois. J'apprendrai au réveil qu'à la sortie du Four, il y avait moins d'un mille de visibilité. Quand même!

C'est vrai que le chenal est calme. Je ne roule plus dans ma bannette. Tout va bien. Je programme mon portable pour qu'il sonne à 9h00, je ne voudrais pas me réveiller en voyant le quai de mon hublot!



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Samedi 24 9h.

Lorsque je monte sur le pont, nous navigons en rade de Brest. Mais contrairement à ce que j'attendais, le port breton est dans notre dos! En fait, les autorités du port ne peuvent pas nous recevoir avant 15h, et nous allons mouiller dans l'Anse du Fret, pile entre l'Ile Longue et ses sous-marins nucléaires et l'Ecole Navale! Sébastien qui connaît bien les lieux nous présente les divers bâtiments.

La Recouvrance est dans les parages, et grâce à quelques virements de bord, vient saluer La Boudeuse, passant quelques mètres à peine devant notre beaupré.

Au déjeuner, Cyril a encore fait des merveilles, et ses endives au jambon et gratin rencontrent un franc succès.

A 14h00, nous commençons la manoeuvre pour lever l'ancre. Patrice met le moteur en route tandis que Paul surveille la remontée de la chaîne, vérifiant que le voilier avance pour ne pas tirer sur la chaîne et fatiguer inutilement le guindeau. Dans la cale, Marc range la chaîne au fur et à mesure de sa remontée pour éviter qu'elle ne s'emmêle. Mais le guindeau fait un peu des siennes, car les empreintes de la roue ne correspondant pas exactement au dimensions des maillons, un maillon sur trois ou quatre saute un cran, provoquant des secousses percues jusqu'à la dunette arrière. Soudain la chaîne repart en arrière à toute vitesse. Paul et Gérald se jettent sur la manivelle et serrent le frein. Marc surgit de la trappe, de grosses traces de cambouis sur le bras droit. Mais il n'a rien. Juste une énorme frayeur.

Le crabot (dent d'entraînement du système d'embrayage) a décraboté. Les entailles ne sont pas assez profondes, il faudra les reprendre à la lime. Mais le pire, c'est qu'en examinant la machine de plus près Gérald constate que le guindeau n'a pas été correctement scellé. En fait, aucun des écrous n'a été serré. Ils ont été simplement engagés sur le filetage, et c'est tout. Travail bâclé par l'équipe de l'entreprise qui a réalisé le travail, mais surtout, c'est un acte criminel.

Avec trois fois rien, Patrice, Paul et Gérald arrivent néanmoins à sécuriser le crabot et la remontée de l'ancre peut reprendre. Mais prudent et soucieux de la santé de ses hommes, le capitaine demande à Marc de rester sur le pont. Pour le peu de chaîne qui reste à remonter, elle se mettra en tas et ça ne posera pas de problème.

Finalement, nous n'arrivons au nouveau port de plaisance de Brest qu'avec une petite dizaine de minutes de retard. Amaury est là, bien entendu, ainsi que Richard Madrange, venu en voisin. Bosco, il rejoindra l'expédition un peu plus tard. Je fais la connaissance de Filippo, premier lieutenant, qui s'installe dans ma cabine. Dommage que nos parcours n'aient fait que se croiser brièvement, je crois qu'on se serait bien entendus.

A quai, La Boudeuse suscite toujours beaucoup de curiosité. Et bien que les visites publiques ne soient pas prévues, je ne peux m'empêcher de renseigner les promeneurs, heureux de pouvoir admirer ce voilier qui part pour des expéditions si lointaines. Serait-ce la nostagie de Bercy?

Pour moi le voyage s'arrête là. J'ai eu l'immense privilège de naviguer à bord de ce voilier d'exception, de cotoyer "chez lui" un aventurier hors pair et son équipage, et même si le vent ne nous a pas été favorable, j'ai pris un énorme plaisir pendant ces trois jours. J'aurais pu sans doute aller plus loin, Patrice me l'avait proposé, mais je pense que maintenant, les choses sérieuses vont commencer, et qu'il va avoir besoin de vrais marins autonomes, capables d'agir sans qu'on leur explique ce qu'ils doivent faire.

Demain sera un autre jour, et je sais que mes quatre heures de TGV vont passer très vite, la tête encore dans les étoiles, me rappelant le bruit des vagues contre les flancs de La Boudeuse.



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